Le docteur Hélène Renoux, médecin généraliste, homéopathe, présidente de la Société savante d’homéopathie (SSH) et membre du collectif HoméoFrance, nous partage en ce début d’année sa vision de l’homéopathie en soutien de la COVID longue. Selon la Haute Autorité de Santé, en novembre 2021, plus de 20 % des patients présentaient encore des signes de COVID-19, 5 semaines après la maladie et 10 % après 3 mois.

La COVID longue est encore mal connue, désarçonne les patients qui en souffrent et les médecins qui les traitent. Par méconnaissance des mécanismes et des causes de la COVID longue, seul un traitement basé sur les symptômes observés sans préjuger de la cause interne de ceux-ci, est possible pour tenter d’atténuer la gêne et les souffrances des personnes atteintes.
Un enjeu de santé publique dans lequel l’homéopathie a toute sa place.
L’équipe MonHoméoMonChoix – MHMC – Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qu’est la COVID longue et quels en sont les principaux symptômes ?
Le Dr. Hélène Renoux – HR : La COVID longue correspond à des symptômes qui arrivent après un épisode aigu de COVID. Elle se manifeste comme une convalescence interminable. Dans certains cas, j’ai remarqué que les personnes pouvaient recouvrer un mieux-être après leur phase aiguë d’atteinte par la COVID-19, puis représenter ensuite une légère altération de leur état général, moins grave que les symptômes initiaux mais plus longue.
Toute la difficulté de cette COVID longue est qu’elle entraine, dans la durée, une diminution des capacités de la personne dans sa vie professionnelle et personnelle.
On a pu, au fil du temps, identifier les principaux symptômes de la COVID longue.
Parmi les symptômes que l’on observe le plus souvent, le premier est la fatigue. Elle est persistante, en particulier à l’effort, même au moindre effort. Cette gêne est précisément notable chez des personnes qui n’avaient pas du tout l’expérience de ce genre de fatigue. La plupart du temps, ce sont des personnes sportives ou très actives dans leur vie, sans problèmes de santé pré existants. Ce que je constate dans ma pratique quotidienne, c’est que, n’ayant pas l’habitude d’être fatiguées, elles sont les premières à s’en plaindre. Alors que les autres trouvent des justifications à leur fatigue. Cet épuisement soudain les impacte dans leur vie de tous les jours : elles ne peuvent plus monter les escaliers en courant, faire leur jogging, aller en salle de sport ou tout simplement, avoir une vie mouvementée.
Le deuxième grand symptôme est l’essoufflement.
Cet essoufflement à l’effort est compliqué à quantifier. En effet, quand la personne essoufflée récupère, les résultats de ses épreuves respiratoires ou de la saturation en oxygène au doigt sont totalement normaux. Puis, ces résultats s’effondrent dès qu’elle refait un effort.
Par exemple, une patiente m’a rapportée ses réveils fréquents en pleine nuit à cause d’une sensation d’essoufflement important. Rien que le fait de se tourner, de bouger dans son lit la réveillait. Cette situation a fini par entrainer un autre symptôme : l’anxiété. De ce fait, elle en était au stade où elle avait peur de s’endormir.
Le troisième symptôme marquant est un syndrome anxieux. On peut alors se poser les questions suivantes : est-ce qu’il s’agit d’une anxiété en elle-même ou faisons-nous face à une anxiété induite par la fatigue et les essoufflements permanents ? La personne déjà affectée par sa maladie initiale, par le climat anxiogène qui l’entoure, craint souvent de ne « jamais s’en sortir ». On le sait, l’homéopathie est particulièrement bien placée pour traiter ce symptôme.
J’ai identifié un autre symptôme qui est facilement accessible au traitement homéopathique. Ce sont les douleurs articulaires : mal au dos, aux épaules, aux genoux ou encore aux hanches. Les patients me disent, « j’ai l’impression d’avoir pris 10 ans… » Elles ont, comme les autres symptômes, un caractère variable et restent, à ce jour, inexplicables dans la COVID longue. Il y a encore un grand nombre d’inconnues autour de cette pathologie persistante.
Les troubles du sommeil complètent le tableau (souvent aussi induits par l’anxiété, l’essoufflement ou les douleurs, tous ces symptômes sont intriqués).
Enfin, les troubles du goût et de l’odorat font partis des symptômes du COVID-19, mais l’on se rend compte qu’ils peuvent apparaître ou réapparaître dans la COVID longue. Certains patients atteints de COVID-19 avaient complètement perdu le goût et l’odorat, en particulier lors de la première vague de contamination en 2020. Ce symptôme pouvait s’installer des mois, causant une grande perte d’appétit et par conséquent de poids. Dans les COVID longues, j’observe qu’il est en général partiel. Ainsi, les patients souffrant de COVID longue perçoivent certains goûts mais pas d’autres. Ils savent s’ils mangent un aliment sucré ou salé, mais ne parviennent pratiquement pas à déterminer la saveur de la nourriture. Je crois que le symptôme le plus pénible est celui du goût modifié. Il se traduit par un goût exclusivement salé ou aigre par exemple.
MHMC – Selon vos observations, est ce que vous sauriez nous dire qui sont les patients atteints de COVID longue ? Est-ce qu’il y a des personnes plus à risque ?
HR : A ce jour, nous n’avons pas réussi à déterminer qui sont les personnes les plus touchées par la COVID longue. C’est une véritable roulette russe ! Par exemple, des patients anciens asthmatiques ne sont pas forcément concernés par le symptôme de l’essoufflement lors d’une COVID longue. Alors qu’au contraire, des personnes non fumeuses et sportives se retrouvent du jour au lendemain essoufflées au moindre effort. Nous n’avons pas fini d’explorer tous les mécanismes et les causes de cette COVID longue.
MHMC – Comment parvenez-vous à faire le lien entre les symptômes observés et la COVID longue ? Comment abordez-vous chaque patient ?
HR : Le diagnostic est uniquement clinique. C’est la conjonction d’un certains nombres d’observations qui m’amène à parler de COVID longue à un patient : quelqu’un qui sort d’un COVID-19 et qui, d’autre part, cumule des douleurs articulaires, des essoufflements et une fatigue inexpliquée coche un grand nombre de cases.
Dans ce cas de figure, je propose à chacun de mes patients de faire un bilan biologique – je pense qu’il faudrait le faire de façon systématique – dans lequel j’inclue la numération ; la ferritine ; le dosage des D-dimères, indicatifs d’un processus de thrombose en cours (car l’on sait que c’est un risque du COVID-19 et probablement de la COVID longue) et le dosage des anticorps anti-COVID. Il semblerait que les personnes qui développent une COVID longue aient un taux d’anticorps anti-COVID particulièrement élevé. En effet, il est possible qu’un processus immunitaire exacerbé en cours puisse expliquer les symptômes de la COVID longue.
MHMC – Qu’est-ce que l’homéopathie peut apporter aux patients souffrant d’une COVID longue ?
HR : L’homéopathie est parfaitement légitime et adaptée à la COVID longue car le diagnostic homéopathique se base essentiellement sur les symptômes. L’étiologie (la cause) peut faire partie du diagnostic mais nous pouvons tout à fait nous en passer. Quand je reçois des patients atteints de COVID longue, je leur demande de me décrire précisément leurs symptômes : le mode de survenue, le mode d’aggravation, leur ressenti, tout ce qui est rare ou curieux. Je me contente de prescrire en fonction de ces symptômes, sans préjuger de la cause interne de ceux-ci. En fonctionnant ainsi en homéopathie, nous avons toujours obtenu des résultats, parfois même surprenants. Chez des personnes atteintes de COVID longue, j’ai pu trouver un médicament qui les touchait très profondément. L’une d’entre elle m’a dit que les symptômes pour lesquels elle m’avait consultée avait été améliorés, mais pas uniquement.
L’homéopathie a également agi, de façon inattendue et très heureuse, sur une sorte de tristesse et de mal être. C’est l’essence même et la philosophie de la méthode homéopathique.
Nous, médecins homéopathes, ne nous bloquons pas sur un diagnostic. Nous nous contentons de recueillir l’expérience vécue du patient, de la prendre en compte et de la soigner.
MHMC – Quelles analyses tirez-vous de ces mois d’observations et d’interrogations sur la COVID longue ?
HR : Je pense que c’est peut-être prématuré de tirer des premières analyses sur la COVID longue.
Il est important de rester humble sur le plan médical car nous ne maitrisons pas le sujet. J’ai la sensation de faire face à un ennemi insaisissable et malin. Chaque fois que l’on croit avoir trouvé une réponse ou une solution, on dirait que le virus la contourne.
Tous les médecins de terrain réagissent ainsi : iI faut être ouvert, observer ce qui se passe et adapter sa réponse thérapeutique à ce que les gens nous racontent. Nous ne devons pas imposer une vérité. La vérité vient des patients et de leur expérience vécue.